Le chat et l'humainPublié le 22/02/2014

AMOURS

 

     Cette chatte, qui vient de poser en « gros premier plan «  dans le roman qui porte son nom, la chatte du rouge-gorge, je ne la célèbre qu’avec réserve, qu’avec trouble. Car, si elle m’inspire, je l’obsède. Sans le vouloir, je l’ai attirée hors du monde félin. Elle y retourne au moment des amours, mais le beau matou parisien, l’étalon qui « va en ville », pourvu de son coussin, de son plat de sciure, de ses menus et… de sa facture, que fait de lui ma chatte ? Le même emploi que du sauvage essorillé qui passe, aux champs, par le trou de la haie. Un emploi rapide, furieux et plein de mépris. Le hasard unit à des inconnus cette indifférente. De grands cris me parviennent, de guerre et d’amour, cris déchirants comme celui du grand duc qui annonce l’aube. J’y reconnais la voix de ma chatte, ses insultes, ses feulements, qui mettent toutes choses au point et humilient le vainqueur de rencontre…

     A la campagne, elle récupère une partie de sa coquetterie. Elle redevient légère, gaie, infidèle à plusieurs mâles auxquels elle se donne sans scrupule. Je me réjouis de voir qu’elle peut encore, par moments, n’être qu’ « une chatte » et non plus  « la chatte », ce vif et poétique esprit, absorbé dans le fidèle amour qu’elle m’a voué.


COLETTE

Les Vrilles de la vigne