Le chat et les saisons : le printempsPublié le 20/03/2012

 

 L’ORAGE

 

Kiki-La-Doucette : Je n’y tiens plus, je sors. Mes pattes délicates choisiront pour s’y poser, entre les flaques, de petits monticules déjà secs. Le jardin ruisselle, scintille et tremble d’un frisson à peine sensible, qui émeut les pierreries partout suspendues… Le soleil couchant, qui darde d’obliques pinceaux, rencontre dans mes yeux pailletés les mêmes rayons rompus, or et vert. Au fond du ciel encore bouleversé, une étincelante épée, jaillie d’entre deux nuages, pourchasse vers l’est les croupes fumeuses et bleuâtres, dont le galop roula sur nos têtes. L’odeur des daturas, qui rampait, s’envole, enlacée à celle d’un citronnier meurtri de grêle. Ô soudain Printemps ! Les rosiers se couronnent de moucherons. Un sourire involontaire étire les coins de ma bouche. Je vais jouer, le cou tendu pour éviter les gouttes d’eau, à me chatouiller l’intérieur des narines avec la pointe d’une herbe parfumée.

 

Colette

Douze Dialogues de bêtes

 

 

Prochaine publication le 6 Avril 2012

Le chat et l'amourPublié le 09/03/2012

                                      

 

                                            LA  DECLARATION

 

 

… Quand l’assemblée se sépara, j’entendis ces délicieuses paroles dites par un jeune Chat qui venait de l’ambassade française, et dont l’accent annonçait la nationalité.

«  Dear Beauty, de longtemps d’ici la nature ne pourra former une Chatte aussi parfaite que vous. Le cachemire de la Perse et des Indes semble être du poil de Chameau, comparé à vos soies fines et brillantes. Vous exhalez un parfum à faire s’évanouir de bonheur les Anges, et je l’ai senti du salon du prince Talleyrand, que j’ai quitté pour accourir à ce déluge de sottises que vous appelez un meeting. Le feu de vos yeux éclaire la nuit ! Vos oreilles seraient la perfection même si mes gémissements les attendrissaient. Il n’y a pas de rose dans toute l’Angleterre qui soit aussi rose que la chair rose qui borde votre petite bouche rose. Un pêcheur chercherait vainement dans les abîmes d’Ormus des perles qui puissent valoir vos dents. Votre cher museau fin, gracieux, est tout ce que l’Angleterre a produit de plus mignon. La neige des Alpes paraîtrait rousse auprès de votre robe céleste. Ah ! ces sortes de poils ne se voient que dans vos brouillards ! Vos pattes portent mollement et avec grâce ce corps qui est l’abrégé des miracles de la création ; mais que votre queue, interprète élégante des mouvements de votre cœur, surpasse : oui ! jamais courbe si élégante, rondeur plus correcte, mouvements  plus délicats ne se sont vus chez aucune Chatte… »

 

Honoré de Balzac

Peines de cœur d’une chatte anglaise

 

                                                                     

Prochaine publication le 20 Mars 2012